L’Intelligence Artificielle en 3 Questions

Objet de multiples fantasmes, fatalistes ou utopiques, l’intelligence artificielle (IA) est simplement une technologie capable d’effectuer d’incroyables quantités de calculs en très peu de temps. Cette capacité à prendre des décisions rapidement est une aide aux humains, au même titre que le pétrole lui a permis au XXème siècle de développer une force de surhomme. 

Si l’IA est aujourd’hui omniprésente, elle a encore besoin de petites mains humaines pour alimenter en données les calculateurs et en vérifier les résultats.
L’IA est au cœur d’une bataille gigantesque entre grandes puissances, qui rappelle là encore celle pour les énergies fossiles. 

Qu’est-ce exactement que l’intelligence artificielle? 

S’il n’existe pas de définition officielle, Jean-Gabriel Ganascia (Le Mythe de la singularité : faut-il craindre l’intelligence artificielle ?, éditions du Seuil 2017) nous donne la sienne : “une discipline née dans les années 1950 qui a pour objectif de simuler les différentes fonctions cognitives pour reproduire une forme d’intelligence, essentiellement le raisonnement (décisions), la compréhension (textes), ou la perception (images). Le tout à l’aide d’algorithmes qui ne sont que des ordres, une suite d’actions que va exécuter un ordinateur. Les travaux à partir de 1950 du mathématicien britannique Alan Turing, décrypteur du code Enigma des Nazis, ont été un point de départ.”

Voici quelques applications qui font désormais parties de notre quotidien : 

  • les agents conversationnels ou chatbots dans les applications de support client ou pour nous assister lors d’une vente, 
  • la reconnaissance faciale dans le monde de la sécurité militaire ou policière, pour démarrer des applications ou nous ouvrir des portes, et sur les applications de photos de nos smartphones et les réseaux sociaux, 
  • l’imagerie pour assister les médecins dans le diagnostic, ou de permettre à un véhicule de rester sur sa trajectoire, 
  • les prévisions météo ou la gestion de l’énergie par analyse et traitement d’un immense historique de données, 
  • les assistants vocaux comme Google Home ou Amazon Alexia par le traitement automatique du langage. 

L’autonomie reste donc bien utopique à ce jour. L’IA reste encore très largement du domaine de l’hétéronomie, lié aux règles définies par l’humain. On parle aujourd’hui beaucoup de Machine Learning (l’apprentissage automatique par la machine). Par exemple, comment différencier des modèles de voitures, ou un visage féminin d’un visage masculin. Il faut pour cela collecter des milliards d’exemples (merci pour vos nombreuses photos de familles partagées sur les réseaux sociaux) – c’est ce que l’on appelle le Big Data – et sur lequel on va exercer l’algorithme en vérifiant les résultats à la main pour indiquer si c’est le résultat est valide ou non. En Deep Learning (apprentissage profond), les algorithmes sont désormais plus complexes, la machine valide elle-même et peut donc aller beaucoup loin, plus rapidement. 

 

Où en est-on des applications de l’intelligence artificielle ? 

Si l’idée même d’une intelligence artificielle autonome est encore très largement absurde au vu des technologies qui existent déjà, leurs applications dans nos vies quotidiennes de citoyen, de consommateur, ou au travail sont légions.

Sur les 30 dernières années nous avons assisté à l’explosion du big data et de possibilités de calculs exponentielles. C’est ce qui permet à la plupart des FAI (Fournisseurs d’Accès Internet) de procéder à l’analyse systématique des emails et de les trier en intérêt pour le récipiendaire ou de le mettre en spam. Les réseaux sociaux les utilisent largement afin de déterminer les flux de posts qu’ils mettent en avant pour chaque utilisateur, pour reconnaître immédiatement les personnes sur des photos, ou bloquer des comptes.

Les deux évènements phares de la période auront été en 1997 Deep Blue d’IBM qui bat le champion du monde d’échecs Garry Gasparov (calcul de 200 millions de coups par seconde), et en 2016 Google Deepmind qui bat le meilleur joueur de go au monde Lee Sedol (10 puissance 170 combinaisons à calculer pour chaque coup). 

L’IoT, ou internet des objets, fait basculer l’IA dans notre quotidien que ce soit dans nos véhicules, nos montres, nos frigos, ou nos lunettes. Mais aussi chez notre médecin pour l’assister dans ses diagnostics ou prévenir des risques statistiques, et dans nos rues et sur les réseaux avec une surveillance omniprésente sous forme de surveillance et de tri. 

Bien sûr les technologies ne sont ni bonnes, ni mauvaises en soi. Seul les intentions de leurs utilisateurs, de la position sociétale de chacun, et du momentum pendant lequel nous y sommes soumis, leur donne une nature terrifiante ou aidante. “Il y a une idéologie derrière chaque technologie” (The impact of artificial intelligence on the labour market : what do we know so far?, Marguerita Lane & Anne Saint-Martin, OCDE 2021). 

Par ailleurs, les intelligences artificielles sont d’autant moins neutres qu’elles subissent les mêmes biais que ceux des hommes et des femmes qui les conçoivent. Aurélie Jean (De l’autre côté de la Machine – Voyage d’une scientifique au pays des algorithmes, Éditions de l’Observatoire, 2019) en décrit un certain nombre dont : 

  • les gestions de candidatures qui privilégient les hommes aux femmes lorsque les CV disponibles en référence sont archi-dominés aux trois quarts par ceux des hommes, 
  • les noirs qui sont moins facilement reconnus dans les applications de reconnaissance faciale, car l’algorithme a été entraîné sur des visages blancs, 
  • l’acceptation ou le refus d’un prêt bancaire peut dépendre d’un déterminisme social qui vous associe automatiquement à un groupe social indépendamment de votre capacité réelle de remboursement. 

Enfin, l’intelligence artificielle et ses usages vont également dépendre de l’intention idéologique de ceux qui investissent le plus dans ses développements. Les Chinois et les Etats-Uniens ont dépensé 80% des investissements mondiaux en IA durant les années 2010. Pour la Chine seule, le plan 2020 à 2025 prévoit un investissement annuel de 20 milliards, puis un triplement ensuite. A titre de comparaison, la France vient d’annoncer le doublement de son plan à 2,5 milliards annuels, incluant des budgets européens et privés. L’Europe dans son ensemble ne représente que 7% du total mondial. Côté brevets, si IBM et Microsoft dominent côté privé, parmi les 20 premières universités, 17 sont chinoises. 

 

Quels sont les impacts de l’intelligence artificielle sur les CRM et le marketing automation ? 

L’intelligence artificielle va rendre l’automatisation du marketing plus intelligente. Et véritablement automatisée !

Les plateformes de marketing automation – couplées à des CRM et ERP – ont transformé l’industrie au cours de la dernière décennie, rendant les spécialistes du marketing plus efficaces, productifs et performants, la relation client plus fluide. Ironie de la situation, cette automatisation du marketing est encore largement manuelle dans son paramétrage et sa gestion d’amélioration continue.

En effet voici un certain nombre de tâches répétitives que les équipes marketing gèrent au quotidien : 

  • rédaction de mises à jour sur les réseaux sociaux, 
  • rédaction d’articles de blog basés sur les données SEO, 
  • la personnalisation des e-mails, 
  • mises à jour du site Web, 
  • création des landing pages (pages d’atterrissages), 
  • tests A/B, 
  • création de workflows (scénarios) et de trigger (scénario déclenchés selon un ou plusieurs évènement), 
  • gestion des budgets publicitaires, 
  • recherche de sponsoring et de backlink (liens entrant depuis des sites tiers vers les contenus de l’entreprises), 
  • effectuer des recherches de mots clés pour définir le cocon sémantique, 
  • trier les informations analytiques et recommander des stratégies idoines. 

 

Sur chacune de ces tâches, et bien d’autres, les technologies d’intelligence artificielle sont dors et déjà disponibles. Mais principalement dans des solutions Martech (Technologies Marketing) indépendantes, plutôt que comme des éléments natifs des principales plates-formes de marketing automation. Le travail d’intégration restant encore à la charge de l’entreprise utilisatrice, avec un manque crucial de compétences pour la réaliser. 

Je m’attends à ce que dans les années qui viennent ce soient les logiciels SaaS de CRM et de marketing automation qui développent et intègrent ces capacités d’IA par le biais d’acquisitions et/ou de R&D. 

Voici quelques actions courantes réalisées par les équipes marketing qui peuvent être automatisées plus intelligemment à court terme par l’intelligence artificielle. 

 

1. Trouver les sujets des contenus

Les contenus font généralement suite à un brainstorming en équipe, basé sur ce qui a fonctionné dans le passé, en regardant ce que font les concurrents, ou en utilisant les résultats des analytics. 

Une solution comme Easycontent utilise l’intelligence artificielle pour catégoriser les options les plus pertinentes et les plus populaires pour le public d’une entreprise. Il propose ensuite une gestion et une mesure du marketing de contenu pour illustrer l’impact du marketing de contenu sur les objectifs de l’entreprise. 

 

2. Rédiger

Beaucoup d’entreprises ont le plus grand mal à rédiger du contenu avec un flux suffisament régulier. Pourquoi ne pas demander à une IA de le faire pour vous, pendant que votre équipe élabore la stratégie ?

Un logiciel comme Articolo fonctionne comme le cerveau humain lorsqu’on lui demande d’écrire un article. Il analyse et comprend le sujet, et ensuite trouve les meilleurs ressources pour écrire un article à la fois original et pertinent, réduisant ainsi le coût et la main-d’œuvre nécessaires pour produire du contenu à plus grande échelle. 

 

3. Lier les contenus entre eux

Maintenant que vous avez des contenus en nombres et efficaces, comment les mettre en valeur dans votre arborescence et dans le maillage de votre site. 

MarketMuse crée des parcours clients axés sur les contenus existants, hiérarchise ces contenus en fonction du degré de maturité du prospect, et permet une découverte progressive et efficace des contenus par les personnes ciblées. 

 

4. Personnaliser les contenus

L’intelligence artificielle peut personnaliser un même contenu pour différents publics afin de générer un passage à l’action souhaité le plus efficacement possible. 

CaliberMind analyse le langage humain de votre CRM ou de votre SaaS de marketing automation, ainsi que de vos réseaux sociaux pour créer des personnalités d’acheteur basées sur ces données. Ensuite, elle recommande du contenu tout au long du parcours client (Customer Journey). Scoop.it utilise également une’IA pour recommander du contenu qui générera plus de trafic et de prospects. 

 

5. Gérer les campagnes publicitaires

Une fois que vous avez créé des annonces avec des contenus générés automatiquement, il vous faut savoir sur quel canal les mettre, à quelle fréquence, pour quel budget, et à quelle heure. Typiquement un sujet d’analyse quantitative parfaitement adapté à une IA. 

Adgorithms a développé Albert qui gère l’achat d’espaces médias, la création de cibles et de segments, la mise en oeuvre multicanal. 

 

6. A/B tests

Mettre en place et tester de multiples variations d’un email, d’une landing page, d’un message publicitaire, ou de scénarios, est fastidieux. Alors qu’il s’agit là aussi d’un cas parfait pour une IA basé à la fois sur la capacité à créer de nombreux cas rapidement, et  interpréter les résultats de ces tests en l’espace de quelques secondes. Le machine learning va permettre également une amélioration en continue des bonnes pratiques basées sur les résultats de conversion du marketing automation, et ceux de closing des opportunités commerciales du CRM. Cortex est une plate-forme marketing qui prédit les réactions des consommateurs au contenu. 

 

7. Rédaction et publication sur les réseaux sociaux

L’essentiel des publications concerne des contenus rédigés par ailleurs sur les sites de l’entreprise, ou dans son environnement proche. Cette revue de presse interne et externe peut être réalisée automatiquement, tout comme la mise en forme, les liens et notifications idoines. Ainsi que la gestion de l’agenda en fonction de critères de performances en terme de reach (capacité à atteindre ses cibles en nombres de vues). 

Par exemple, Cactus recycle tous les contenus des sites ciblés en contenus adaptés pour Linkedin, Twitter, ou Facebook.  

 

8. Data analyse

Le temps d’analyse et d’interprétation par les équipes marketing des résultats analytiques peut aisément être repris par une IA afin de proposer des stratégies marketing pertinentes : activités, contenus, scénarios, Opentopic, basé sur IBM Watson, utilise l’apprentissage automatique pour segmenter les publics et recommander du contenu, aidant les spécialistes du marketing à comprendre et à engager les consommateurs, à optimiser les parcours clients et à générer des conversions. 

L’intelligence artificielle est dors et déjà dans nos activités quotidiennes et professionnelles. Il ne s’agit plus de savoir si on doit l’utiliser ou non, mais plutôt quels sont les contextes et activités où une machine peut faire mieux et plus efficacement. D’en définir les objectifs, d’en contrôler les biais, et de choisir les solutions performantes. Comme tout changement, c’est à la fois un risque et une opportunité. 

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